75e #CongresOEC : ouverture sous le signe de la relance

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Le 75e Congrès s'est ouvert par la conférence plénière « La relance en confiance ». Une heure d'échanges bien réels dans un événement virtuel, pour mieux comprendre les points de vue des pouvoirs publics, des chefs d'entreprises, des économistes... et bien sûr des experts-comptables, autour du thème de la relance.

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En débutant le programme par ce thème, le Conseil supérieur a voulu résolument se tourner vers l'avenir : c'est donc la relance, et non la crise, qui se trouvait sous le feu des projecteurs, Nicolas Doze, journaliste, animant l'émission.

L'analyse macroéconomique de Jean-Marc Daniel et Céline Antonin

Céline Antonin, maître de conférences à Sciences Po, et Jean-Marc Daniel, professeur émérite à l'ESCP Business School, ont tout d'abord fait une analyse du plan de relance, avec des approches notablement différentes.

Pour Jean-Marc Daniel, la relance ne doit pas être pensée en termes de demande, mais plutôt en termes d'offre. Selon lui, le consommateur français dispose d'une épargne conséquente depuis le confinement. Epargne qu'il faut lui permettre d'utiliser pour générer de la croissance. C'est donc l'offre qui doit être encouragée, notamment en :

  • « déconfinant les entreprises » qui subissent encore des fermetures et restrictions ;
  • permettant des dérogations à la réglementation applicable, en particulier pour accroître la durée du travail.

Pour Céline Antonin, un « discours d'effort » n'est pas incompatible avec des mesures portant sur la demande, visant à débloquer l'épargne des français. Elle cite en particulier :

  • un discours clair et lisible des pouvoirs publics pour redonner de la confiance aux ménages ;
  • une baisse de plusieurs points de la TVA pour encourager la consommation.

A plus long terme, les deux intervenants partagent toutefois certaines craintes : l'apparition de nouvelles bulles spéculatives, du fait des taux d'intérêts historiquement bas, et le report du poids de la dette sur les générations futures.

Reconnaissance appuyée du rôle des experts-comptables pendant la crise

Le ministre de l'Économie, des Finances et de la relance s'est directement adressé aux experts-comptables pour saluer leur engagement pendant la période de crise sanitaire. Bruno Le Maire a rappelé « l'importance capitale » de la profession, dont dépend la survie de nombreuses entreprises. Pour le ministre, l'énorme travail de pédagogie effectué a permis le déploiement des dispositifs prévus par le gouvernement, comme le PGE ou l'activité partielle, et donc la poursuite de l'activité économique.

Toutefois, pour Bruno Le Maire, « la crise n'est pas finie ». Il appelle donc les experts-comptables à poursuivre leurs efforts d'explication auprès des entreprises, en insistant sur deux mesures :

  • la possibilité de prolonger les PGE, pour atteindre une durée maximale de 6 ans ; 
  • les aides applicables aux secteurs qui sont encore particulièrement touchés par la crise (fermetures ou perte de chiffre d'affaires supérieure à 80%).

François Asselin, président de la CPME, a également salué, au nom des chefs d'entreprises, le rôle joué par les experts-comptables pendant la crise. Il a ainsi témoigné de leur engagement sur le terrain, mais aussi de leur solidarité, certains cabinets n'hésitant pas à « réaliser des prestations sans facturation ».

Une situation comptable pour isoler le « coût Covid »

Pour Charles René Tandé, les entreprises ont avant tout besoin de visibilité. L'incertitude fait partie de la vie des dirigeants d'entreprise, mais cette période exceptionnelle a grandement compliqué les choses. Les investissements pourraient en pâtir, en étant tout simplement retardés. Afin de rassurer les tiers, et les banquiers en particulier, il recommande d'établir une situation à fin septembre pour « isoler le coût Covid » et démontrer la viabilité de l'entreprise.

Dans ce domaine, François Asselin estime lui aussi qu'il est nécessaire de traiter différemment les entreprises qui étaient viables avant la crise de celles qui présentaient déjà des difficultés structurelles. Pour ces dernières, les dispositifs « classiques », et donc les procédures collectives, doivent s'appliquer.

Le président de la CPME craint toutefois pour la santé des entreprises dites « viables », l'empilement des échéances, d'emprunts bancaires, de loyers, de charges sociales, ou de PGE, pesant ni plus ni moins sur la survie de nombreuses structures. Selon un sondage publié récemment par l'organisation patronale, 48% des dirigeants d'entreprises se disent inquiets pour la pérennité de leur structure... Pour François Asselin, deux pistes peuvent être explorées :

  • la mise en place de prêts participatifs, pour renforcer les fonds propres des entreprises ;
  • le regroupement des différentes dettes dans un emprunt consolidé, qui serait étalé sur une période plus longue.

Des mesures structurelles pour accompagner les entreprises

Selon les deux présidents, plusieurs mesures structurelles, complémentaires au plan de relance, pourraient être envisagées :

  • la création d'une « task force » au plus proche des territoires, pour François Asselin. Cette structure devrait disposer d'un réel pouvoir de décision, et regrouper tous les acteurs du monde économique : organisations patronales et salariales, experts-comptables, représentants des pouvoirs publics, chambres consulaires,... ;
  • l'orientation de « l'épargne de proximité vers les entreprises de proximité », projet déjà évoqué par le passé par Charles-René Tandé.

François Asselin est également revenu sur une liste de contreparties qui serait en cours de préparation par le Gouvernement. Selon lui, les contreparties existent déjà et il n'est pas envisageable d'exiger un effort supplémentaire à des entreprises qui luttent pour leur survie.

Quels enseignements tirer de la crise sanitaire ?

Le président du Conseil supérieur est revenu sur ce « choc numérique » entraîné par la crise sanitaire, et qui a malgré tout permis plusieurs progrès notables pour les entreprises, avec notamment  :

  • une organisation du travail modifiée par le recours massif au télétravail ;
  • le recours à la signature électronique, et plus largement à l'ensemble des outils qui facilitent la dématérialisation et les accès à distance.

Sur ce dernier point, Charles-René Tandé a évoqué ses espoirs de voir la loi ASAP (accélération et simplification de l'action publique), actuellement en discussion au Parlement, pérenniser certaines mesures, comme l'enregistrement dématérialisé des actes ou la tenue à distance des assemblées générales sans modification des statuts.

Les deux présidents ont également salué de concert la réactivité des pouvoirs publics au cours de cette crise sanitaire, et la mise en place extrêmement rapide, en deux semaines, de mesures exceptionnelles. Selon eux, cette réactivité et cette souplesse, sont capitales pour l'avenir, et doivent être absolument préservées.

La responsabilité du dirigeant d'entreprise doit-elle être allégée ?

Dernier sujet évoqué lors de cette plénière, la responsabilité pénale du dirigeant d'entreprise. Pour Charles-René Tandé, il est devenu presque impossible pour le dirigeant de respecter l'ensemble des règles applicables à l'entreprise en conciliant les mesures sanitaires, l'incertitude générale, et certaines dispositions du Code du travail.

François Asselin a pour sa part rappelé que selon une cartographie dressée par la CPME, « jusqu'à 61 incriminations pénales pèsent sur la tête du dirigeant, en fonction de son secteur d'activité. ». Pour lui, il ne faudrait pas que « le principe de précaution se transforme en principe d'inaction ». Les deux présidents appellent donc de leur v½ux l'ouverture d'une réflexion autour de la responsabilité du chef d'entreprise.



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.